Bien dormir ou maigrir: il faut choisir!

Dormir ou maigrir

Farida venait à ma consultation du fait de troubles du sommeil. Comme pas mal de patients que je suivais à l’hôpital général, elle avait déjà un traitement et la collègue qui la suivait avant avait réussi à l’équilibrer avec un traitement dont le rôle initial n’était pas vraiment celui de gérer les troubles du sommeil. Elle prenait un neuroleptique atypique (voir cet article expliquant ces traitements), l’olanzapine pour ne pas la nommer. Cette molécule peut avoir comme effet indésirable de sédater, fatiguer, faire dormir. Mais ce n’est pas le but premier. C’est assez fréquent en psychiatrie d’utiliser certaines molécules sans forcément respecter l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Les laboratoires, lorsqu’ils font leurs études de validation, se contentent de démontrer que leur produit marche dans certains contextes. Ils laisseront les médecins ensuite prouver que cela peut marcher ailleurs. Cela fait des dépenses en moins.

Pour revenir à Farida, cette mère de deux adolescents était divorcée et avait un nouveau compagnon. Cela se passait bien. Elle me disait que les enfants s’accomodaient et s’entendaient bien avec lui. Et elle était amoureuse. Très amoureuse. Alors quand son Jules est parti dans le Sud pour se reconvertir en prof de plongée, Farida s’est retrouvée à devoir faire un choix difficile. Laisser les enfants à leur père complètement pour rejoindre Jules ou abandonner cette histoire d’amour qui se passait si bien.

Après s’être retourné le cerveau des jours durant, Farida fit le choix de ne pas vraiment faire de choix. Elle décida de passer un mois ici avec ses enfants et un mois dans le Sud avec son chéri. Farida ne pouvait pas se permettre financièrement de prendre le train toutes les semaines. C’est donc ce qui lui avait semblé le plus raisonnable. Ses enfants étaient assez grands pour se gérer une partie du temps, avec leur père pas trop loin. Et elle s’en occupait tout de même à distance, les avait souvent au téléphone, quand elle n’était pas là.

A ce moment, la prise en charge devint plus emaillée, plus compliquée. Il fallait bien se coordonner pour se voir.

Comme Farida passait du temps dans le Sud, elle était plus souvent en situation d’être confrontée à une partie de son anatomie visible aux yeux des autres. Oui, dans le Sud, on a l’air d’avoir tendance à s’habiller moins chaud que dans le Nord du pays. Et la visibilité de son corps avait entraîné chez Farida un désir de contrôle de son apparence plus important que par le passé. Or le traitement qu’elle prenait avait tendance à l’amener sur le terrain de la gourmandise. Et si Farida se laissait aller, elle ne pouvait s’empêcher de prendre du poids. Peu regardante au départ, cette femme coquette avait fini par constater sa croissante générosité qui commençait à l’inquiéter, d’autant que son Jules ne lésinait pas sur les comparaisons animalières parfois douteuses.

L’inscription à la salle de sport était devenue indispensable. Farida devint rapidement addict à cette nouvelle drogue de l’activité physique. Cela lui donnait des résultats probants. Jusqu’à un certain point. Son désir de perdre était à la hauteur des grands sportifs qui ne rêvent que de gagner. Mais elle n’avait pas à quarante-cinq ans le physique d’une jeune fille de vingt ans. Et cela commençait à la titiller.

C’est alors qu’elle me demanda s’il était possible d’agir sur son traitement. Je lui proposais volontiers une diminution de son olanzapine en vue d’un arrêt. De dix milligrammes à cinq, cela passa aisément. Mais le sommeil devint à nouveau difficile à l’arrêt du traitement. On repassa donc au cinq. Avec succès. Pas de sevrage complet, mais cette diminution suffisait à son équilibre.

Puis Farida décida de rester définitivement dans le Sud avec Jules et passer elle aussi son brevet de prof de plongée. Je l’imagine bien comme un poisson dans l’eau…