Archives de catégorie : Fonctionnement de la psychiatrie en France

Fort Boyard et l’image de la psychiatrie en France

Fort Boyard

 

On pourra penser que cet article est opportuniste et profite de la bulle médiatique autour de cette problématique levée récemment à la suite d’énergies multiples. Probablement. Et ce n’est pas un problème pour autant. J’assume.

Si j’ai participé en tant que psychiatre, psychothérapeute et blogueuse sous mon pseudo “La Folie Ordinaire” en cosignant la tribune du Monde du 10 juillet 2017 intitulée “Fort Boyard: la maladie mentale n’est pas un jeu”, c’est que ce type de divertissement participe directement à la stigmatisation de la maladie mentale en la représentant de façon archaïque. De nombreux articles ont abordé le sujet dans la presse depuis sa première diffusion le 24 juin 2017. Vous trouverez une bonne partie de ceux-ci en bas de l’article.

l’Asile de Fort Boyard

En pratique, ce jeu consistant à mettre un participant en chambre d’isolement capitonnée et en camisole pour récupérer des balles avec sa bouche dans un environnement angoissant surfe sur la vague des peurs, comme à l’accoutumée dans Fort Boyard. En effet, il y a plusieurs types d’épreuves dans ce jeu: celles demandant des compétences sportives, une habileté dans un contexte stressant, une réflexion et celles pouvant mettre face aux peurs archaïques que chacun peut avoir.

Parmi celles-ci, il y a  les classique phobies des animaux qui sont régulièrement mises en oeuvre. Quoi de plus stressant de voir pour le spectateur la tête du participant avec des insectes grouillants, des araignées, des serpents, des rats ou autres bestioles qui ont une cote de popularité relativement pauvre…

La psychophobie

Sauf que cette année, les producteurs ont accepté des scénaristes de l’émission de surfer sur une nouvelle phobie: la psychophobie. La phobie de la maladie psychique, mentale. Bref, la peur du fou ou de le devenir et de se faire hospitaliser en psychiatrie. “Interner” comme je l’entend encore trop souvent, au point de faire saigner mes oreilles. Beaucoup de gens ont encore peur de se faire enfermer à vie comme cela avait pu être le cas à une époque révolue depuis longtemps. Les fantasmes de la Folie et de ses soins restent ancrés sur des représentations effrayantes qui ont eu un certain succès cinématographique.

Vol au dessus d’un nid de coucous

Et oui, beaucoup de personnes sont encore dans leur imaginaire à l’époque de Vol au dessus d’un nid de coucous  de Milos Forman qui avait consacré Jack Nicholson dans un rôle de fou qu’il jouera tout aussi bien dans un registre différent en 1980 dans Shining de Stanley Kubrick.  Dans Vol au dessus d’un nid de coucous, l’hôpital psychiatrique est représenté avec tous ses rituels, ses soins qui asservissent le patient à l’institution avec toutes les formes de traitement qui retirent la liberté d’agir. Les murs, les barreaux, les traitements neuroleptiques  qui zombifient, l’isolement, la contention physique avec les camisoles, les électrochocs fait à l’époque sans anesthésie générale, jusqu’à l’ultime lobotomie. Désolée de spoiler pour ceux qui ne l’avaient pas vu, mais le film reste génial à voir même si on en connaît le déroulé.

Il évoque juste une pratique révolue! Mais que continue à véhiculer ce genre d’épreuve de l’émission. Beaucoup de non usagers de la psychiatrie et de non soignants pensent encore qu’il s’agit du vrai visage de la psychiatrie d’aujourd’hui. Que le capiton et la camisole restent monnaie courante. Et du coup, lorsque les besoins de se soigner se font sentir, les gens n’osent pas recourir aux soins. En retardant l’accès aux soins, le pronostic de certaines maladies s’en voit aggravé. Pour les courageux , voici des articles de publications scientifiques sur le sujet (1-3).

Stigmatisation

Voir un(e) psychiatre est encore trop souvent considéré comme uniquement indiqué pour les fous. Toutes les expressions qui persistent dans le langage courant attestent encore de cette stigmatisation: “t’es fou”, “t’es malade”, “va te faire suivre” sont autant d’injonctions qui manquent de bienveillance. On se méfie du fou, de « l’anormal », de celui dont les réactions paraissent ne pas respecter les codes de la société. La crainte du passage à l’acte agressif est souvent sous-jacente, alors qu’il est bien connu dans le monde psychiatrique que les personnes atteintes d’une maladie mentale sont d’abord les victimes de violences avant d’en être les auteurs, de très loin. (4) Oui, mais dans le monde psychiatrique. Alors il faut diffuser cette information pour combattre les que les rares passages à l’acte médiatisés que retient le grand public.

Les soins psychiatriques

En psychiatrie en France, l’organisation des soins repose toujours en grande partie sur le secteur (cf cet article). Ce réseau est capital. Ceux qui le contestent parfois n’en comprennent généralement pas le rôle.

Pour revenir aux représentations des films, fort heureusement, à notre époque, il n’y a plus de lobotomie. Les électrochocs persistent parce que c’est le meilleur traitement existant sur le marché dans certaines indications précises (je ferai plus tard un billet sur le sujet). Mais en salle de réveil, sous anesthésie générale, en respectant un protocole strict qui permet l’absence de complications majeures outre des problèmes de mémoire. La camisole n’existe plus ou pratiquement plus bien que j’ai eu l’occasion de la voir une fois (cf cet article d’une expérience lorsque j’étais interne). Cependant la contention physique persiste sous d’autres formes (lire cet article). Elle peut être discutée dans un certain nombre de cas. Inutile dans d’autres. De même que les chambres d’isolement. Ces pratiques sont actuellement souvent encore nécessaire pour des raisons triviales que voici.

Elles sont utilisées majoritairement dans des situations de crise ou l’agitation d’un patient amènera à un besoin de canalisation. Cette canalisation peut être faite par la voie de la parole quand les soignants qui s’occupent de ces problématiques sont suffisamment nombreux et formés. Chose qui tend à être plus fragile avec une tendance à s’aggraver ces dernières années.

Les soignants en psychiatrie

La psychiatrie est souvent le parent pauvre de la médecine. Les budgets alloués sont souvent en deçà des besoins. Les équipes manquent de personnel. Le diplôme d’infirmier de secteur psychiatrique (ISP) a disparu en 1992 (5) et les jeunes générations d’infirmiers n’ont que la formation générale qui leur permet de passer de la psychiatrie à la réanimation ou la cardiologie de manière aisée.

L’importance du relationnel en psychiatrie, de l’empathie et de l’aptitude à déjouer les crises nécessite un sens inné ou une formation spécifique qui n’existe plus. Alors les soignants apprennent sur le tas. Ou pas. Je ne jette pas la pierre. Qui peut faire ce qu’on ne lui apprend pas. Il existe bien des formations a posteriori mais tout le monde n’y a pas forcément accès tout de suite et elles sont moins vastes que celles dispensées dans l’ancien diplôme d’ISP.

Changer les choses

Plutôt que de montrer la Folie sous cet angle, apportons donc un peu d’humanité, de soutien et participons à une meilleure connaissance des maladies psychiatriques qui permettront d’amoindrir les croyances qui laissent la peau dure à cette image négative de la psychiatrie et de la Folie.

Malgré le fait de raconter certaines histoires souvent tristes de mes patients, je suis plutôt une fille qui aime rire. Je peux même avoir une certaines tendance à aimer l’humour noir. Je relis par moments Pierre Desproges avec délectation. Mais là, cela n’a rien à voir avec de l’humour. C’est discriminant. Peut-être que c’est sans s’en rendre compte. Que vous ne voyez pas où est le problème. Mais c’est une réalité pour de nombreuses personnes. Alors s’il vous plaît France 2,  admettez-le et retirez cette épreuve de votre émission!

Merci aux nombreux Twittos avec qui j’ai pu échanger sur le sujet depuis dimanche et qui ont participé à la constitution de la Tribune du Monde. Je ne serai forcément pas exhaustive puisque nous étions plus de cinquante, alors pardonnez-moi, mais je cite @CdFous, @Babeth_AS, @Martinez_J_, @alexnlm, @Galatee, @DrPsydufutur, @LePsylab, @pedrosanchau, @Anne_A_P, @BeaulieuBap, @MartinWinckler, @Linternee, @Litthérapeute, @garsanis, @DelarueJC, @PhilippeBanyols, @odile31, @SolUsagersPsy, …

 

Voici les articles de la presse sur le sujet, classés chronologiquement:

 

le 27 juin:  

http://www.santementale.fr/actualites/asile-une-epreuve-de-folie-a-fort-boyard.html

 

le 28 juin:

https://informations.handicap.fr/art-ford-boyard-epreuve-psychiatrique-989-9992.php

 

le 29 juin:

http://www.huffingtonpost.fr/2017/06/29/lepreuve-lasile-de-fort-boyard-a-scandalise-des-parents-den_a_23007690/

 

le 3 juillet:

http://www.liberation.fr/france/2017/07/03/une-sequence-de-fort-boyard-emeut-les-associations-de-malades-mentaux_1581279

 

le 5 juillet:

http://www.sudouest.fr/2017/07/05/fort-boyard-l-epreuve-de-l-asile-fait-polemique-des-associations-portent-plainte-3591413-4693.php

 

http://www.rtl.fr/culture/medias-people/fort-boyard-une-sequence-scandalise-des-associations-de-sante-mentale-7789226485

 

http://www.lepoint.fr/societe/fort-boyard-pris-a-partie-par-des-malades-psychiatriques-05-07-2017-2140893_23.php

 

http://www.europe1.fr/medias-tele/polemique-a-fort-boyard-des-associations-de-malades-psychiatriques-vont-porter-plainte-3380795

 

http://www.leparisien.fr/culture-loisirs/tv/polemique-a-fort-boyard-les-malades-psychatriques-portent-plainte-contre-l-asile-05-07-2017-7111455.php

 

le 8 juillet:

http://www.humanite.fr/fort-boyard-le-jeu-de-la-camisole-conforte-la-psychophobie-de-notre-societe-638588

 

le 10  juillet:

http://www.lemonde.fr/sciences/article/2017/07/10/fort-boyard-la-maladie-mentale-n-est-pas-un-jeu_5158563_1650684.html

 

le 11 juillet:

http://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/epreuve-de-la-camisole-dans-fort-boyard-une-image-tres-choquante-et-effrayante-de-la-psychiatrie_2279383.html

 

le 12 juillet:

http://www.lesinrocks.com/2017/07/12/actualite/asile-capitonnee-humiliation-sexisme-fort-boyard-repousse-t-il-les-limites-de-la-tele-trash-11964978/

Et les quelques rares citations qui appuient le discours scientifique sous-jacent.

1/  https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3353607/

 

2/  https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3353608/

 

3/ https://www.mentalhealthcommission.ca/sites/default/files/2017-03/MI%20stigma%20in%20healthcare_barriers%20to%20access%20and%20evidence%20based%20solutions.pdf

4/ https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1525086/

5/ https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000527050&categorieLien=id

 

Amandine ou comment le boulot tue les cadres infirmières

Amandine ou comment le boulot tue les cadres infirmières

 

Amandine était la cadre du service où je travaillais à l’époque. La (le) cadre d’une unité d’hospitalisation est un(e) Infirmièr(e) Diplômé(e) d’Etat (IDE) qui a passé une année de plus sur les bancs de l’école des cadres (Institut de Formation des Cadres de Santé IFCS) et a travaillé au moins quatre ans de bons et loyaux services en tant qu’IDE.

Les cadres ont comme boulot de superviser les autres IDE. Avec pas mal de responsabilités administratives et organisationnelles, ce qui en fait un poste clef à l’hôpital pour que le fonctionnement soit optimal dans un service.

Cela va de la gestion des plannings des infirmièr(e)s à la présence dans les réunions de service, en passant par les commandes de matériel, la coordination des entrée et sorties des patients ou encore dépanner les autres IDE sur les tâches cliniques du quotidien. Liste non exhaustive bien sûr. Évidemment, d’un service à l’autre, cela dépend beaucoup de l’activité clinique et en chirurgie, en service de médecine ou en psychiatrie, il peut y avoir de sacrées nuances.

Le caractère de la (du) cadre influe beaucoup sur la fonction et l’ambiance qu’il peut y avoir dans une équipe infirmière.  

Amandine faisait partie de ces gens qu’on dit investis au travail. Alors elle n’y rechignait pas. Toujours prête à aider. Mais aussi dans une forme de stress permanent. Je ne crois pas l’avoir vue autrement que courir, ne tenant que rarement en place. Passant d’une activité à une autre avec une célérité digne des coureurs de fractionné.

Dans le jargon psychiatrique, on pouvait dire qu’elle avait une personnalité de type A. Cela signifie qu’elle était en permanence en hyperactivité, dans un sentiment d’urgence, un énervement facile et un hyperinvestissement professionnel. A côté de cela, elle pouvait être considérée par les autres comme un peu “pète-sec” car elle démarrait au quart de tour quand les choses ne se passaient pas comme elle le désirait. Son désir de perfection était parfois fatiguant pour tout le monde car la barre était mise haute pour elle comme pour les autres.

Bref, elle savait se mettre la pression et la mettre à toute l’équipe mais le travail était bien fait.

Elle était toujours la première à accepter de reprendre les astreintes des autres quand ils avaient un empêchement. De ce fait, son mari et ses trois enfant pâtissaient un peu de ce surinvestissement et auraient aimé la voir un peu plus. Cette situation était en partie due au manque d’effectif car seuls trois des cinq postes de cadre du service étaient pourvus à l’époque. Il fallait travailler quasi deux fois plus pour faire fonctionner la boutique. Car la (le) cadre, comme la (le) médecin, n’est pas censé(e) compter ses heures, mais faire le job.

Comme fréquemment dans ces circonstances, se griller une petite clope permettait d’avoir un argument pour se poser deux minutes quelques fois dans la journée. Bien sûr, cela augmente le stress mais la dépendance donne l’illusion de soulager et de gérer le stress. Elle avait déjà fait une alerte cardiaque quelques années avant, avec un infarctus du myocarde sur des artère coronaires un tantinet bouchées. De ce fait et du fait de sa personnalité, elle avait un grand risque que cela se renouvelle.

Un soir qu’elle était rentrée tard chez elle après avoir géré une situation compliquée dans le service, elle a eu à nouveau mal à la poitrine. Son fils a alerté les secours pendant que son mari tentait de faire quelque chose. Mais il n’était pas soignant. Et ne connaissait pas les gestes élémentaires de réanimation. Quand les pompiers puis le SAMU sont arrivés, il était déjà trop tard. La vie l’avait fuie. Elle avait quarante-six ans.

J’y ai souvent pensé. Avec amertume. Parce qu’il est facile de s’investir à fond dans son travail. De s’y plonger corps et âme. De se faire vampiriser. Nous avons des emplois prenants. Des vies entre nos mains, des destinées à recaler. Cela peut être grisant, nous inciter à toujours en faire plus. Parfois nous en perdons l’essentiel: nous sommes là pour vivre. Et la vie ne se résume pas à l’action permanente. Être, simplement être, par moments, est capital. Et pour aider les autres, il est nécessaire de d’abord s’aider soi-même. Connaître ses limites. Et ne jamais les dépasser. Ce n’est pas de l’égoïsme. Bien au contraire, il s’agit d’altruisme de fond. Pour tenir la route, il faut s’économiser. Alors pour Amandine, vivons pleinement et apprenons à gérer notre stress pour être en mesure de soutenir les autres.

La Psychiatrie en France: le secteur, les CHU et le libéral

psychiatrie

Dans ce blog, il convient d’évoquer le fonctionnement de la psychiatrie en France. Il existe plusieurs systèmes qui cohabitent et sont complémentaires. J’aborderai-là une vision concise. J’aurai forcément oublié des rouages, des intervenants

Alors n’hésitez-pas à réagir!

Le secteur

Tout d’abord, il y a ce que l’on appelle “le secteur”. Ce terme regroupe pas mal de choses dans une organisation de la psychiatrie publique de premier recours. Chaque personne qui nécessite une prise en charge psychiatrique peut y recourir, les structures de soins dépendant de l’endroit où il habite. Ainsi, on y retrouve des centres hospitaliers spécialisés (CHS) pour ne plus dire hôpitaux psychiatriques ou asiles. Ils avaient été initialement construits à l’extérieur de la cité  pour ne pas importuner les bonnes gens, nécessitant parfois de faire de nombreux kilomètres pour pouvoir y accéder. La tendance actuelle va au rapprochement du lieu d’habitation. Ces CHS aussi appelés “l’intra” pour intrahospitalier permettent l’hospitalisation temps plein, parfois de nuit ou de jour, dans des unités ouvertes ou fermées en fonction des besoins inhérents à la pathologie pour laquelle les soins sont nécessaires.

Beaucoup  de soignants peuvent être impliqués dans les prise en charge: des psychiatres, des psychologues, des infirmier(e)s, des aide-soignant(e)s, des assistant(e)s sociales(aux), des secrétaires médicales, des ergothérapeutes, des kinésithérapeutes, des musicothérapeutes.

Toujours dans le secteur, il existe les structures extra hospitalières (l’extra), dont les premiers maillons sont les centres médico-psychologiques, où peuvent être présents les mêmes intervenants. Il y a aussi les centres d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP), où les patients peuvent bénéficier d’activités structurées sur quelques heures; les Hôpitaux de jour (HDJ),  qui permettent  d’avoir des demi-journées ou des journées d’hospitalisation en dehors des murs de l’hôpital (parfois dedans tout de même…); et les Établissements de Soins et d’Aide par le Travail (ESAT, anciennement CAT), qui permettent aux patients de travailler dans un environnement protégé qui prend en considération que les rythmes de travail ne peuvent être aussi soutenus que dans l’univers productiviste du travail dit “normal”.

CHG et CHU

Ensuite, on retrouve les Centres Hospitaliers Généraux (CHG) et les Centres Hospitaliers Universitaires (CHU), qui comportent des services de psychiatrie non sectorisés (ils peuvent aussi l’être selon les hôpitaux), souvent des services d’urgence ou parfois seulement des psychiatres de liaison (psychiatres qui interviennent à la demande de leurs collègues non psychiatres dans des service non psychiatriques). Ils peuvent être des services de psychiatrie générale, ou être spécialisés dans certaines prises en charge uniquement, comme la dépression résistante, la schizophrénie résistante, les troubles obsessionnels compulsifs, les troubles bipolaires, les pathologies liées au suicide, les troubles du comportement alimentaires, les troubles de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, les troubles du spectre autistique, etc. Il existe ainsi une forte tendance comme dans les autres disciplines médicales à la sur-spécialisisation de certains praticiens dans des domaines bien délimités. On aura ainsi des schizophrénologues, des bipolarologues, des autistologues ou encore des TOCologues. Qui verront tout par le spectre de leur sur-spécialité.

L’activité est aussi souvent alimentée par les services d’urgences locaux qui sont un peu ce que les tours de contrôle sont à l’aviation. Le rôle du psychiatre des urgences est ainsi de déterminer le plus rapidement possible l’orientation de son patient après avoir évalué la situation. Quel est le degré d’urgence? Consultation unique puis sortie ou hospitalisation? Quel lieu d’hospitalisation? Quel mode d’hospitalisation (libre ou sans consentement)? Faut-il un traitement rapide sur place? A-t-on besoin d’un traitement par la bouche si le patient accepte ou en intra-musculaire s’il le refuse? Faut-il le mettre en chambre d’isolement? Autant de questions qui permettent des prises de décision dans l’intérêt du patient. Même si par moment, c’est dur et qu’il n’est pas forcément volontaire dans les soins.

Les cliniques

Après cela, on retrouve les établissements privés ou cliniques qui nécessitent en général que les patients aient des mutuelles pour être pris en charge. Il en existe un nombre variable, plus ou moins spécialisées. Comparativement aux hôpitaux, les forfaits hospitaliers sont moins chers (la sécurité sociale débourse moins) mais il y a souvent rattrapage sur l’aspect hôtelier (chambres seuls payantes, repas plus chers, plus ou moins d’autres services). Contrairement à l’hôpital, il s’agit d’établissements à but lucratif à l’origine. Cependant, depuis quelques années, avec la loi HPST (Hôpital Patient Santé Territoire) puis la loi de Santé Touraine,  l’hôpital devient aussi une entreprise avec des objectifs de rentabilité. En règle générale, les cliniques psychiatriques, aussi parfois appelées Maisons de Santé n’accueillent pas de patients en soins sous contrainte. Certaines ont tout de même cette rare caractéristique. Les psychiatres qui y travaillent peuvent être libéraux ou salariés.

Les psychiatres de ville

Puis, il y a les psychiatres libéraux, dits “psychiatres de ville”, qui ont leur cabinets installés dans la cité. Ils peuvent être conventionnés en secteur 1 (remboursés intégralement), secteur 2 (avec dépassements d’honoraires en plus du tarif remboursé de la sécurité sociale) ou être non conventionnés (tout est à la charge du patient). Ils peuvent ne gérer que l’aspect médicamenteux ou aussi faire des psychothérapies, voire ne faire que des psychothérapies.

Les médecins généralistes

Enfin, ce serait inadéquat d’oublier ceux qui passent un tiers de leur temps à voir nos patients en première ligne et prescrivent quatre-vingt-dix pour cent des psychotropes consommés en France. Les médecins généralistes ont ce rôle majeur de dépistage et d’orientation de la majorité des personnes en souffrance. Sans eux, le système de soins psychiatriques serait beaucoup plus complexes à gérer. Ils ont aussi l’avantage d’être en amont du filtre de la stigmatisation, les personnes étant encore trop dans des considérations telles que « les psys c’est pour les fous »…

Les urgences psychiatriques ou le box du fond à gauche

urgences psychiatriques

 

Quand on fait des gardes aux urgences psychiatriques, un phénomène assez fréquent se retrouve dans le quotidien. D’une aberration initiale, cela devient une norme, un standard.

La plupart des services d’accueil des urgences (SAU) fonctionnent selon un principe assez particulier pour l’accueil des urgences psychiatriques. Avant d’y arriver, j’en profite pour évoquer le parcours du patient au SAU.

Parcours d’un patient au SAU

Quand un malade se présente à l’accueil, il est d’abord enregistré sur le plan administratif. Il doit montrer sa carte d’identité, sa carte vitale et sa carte de mutuelle. On ne paie effectivement rien sur place. Mais la note est envoyée au domicile quelques mois plus tard. Quand il n’est pas en mesure de le faire lui-même, c’est la famille qui le fait. Voire les ambulanciers ou les pompiers qui amènent en ces lieux chargés d’une émotion palpable.

Passé cette étape, le patient attend généralement dans un premier sas de salle d’attente la visite de l’IAO. L’Infirmier(e) d’Accueil et d’Orientation (IAO) est une sorte d’aiguilleur(se) du ciel au pays des bobos. Les constantes sont généralement prises (pouls, tension, température). Et le motif de consultation pour effectuer le “tri” et savoir vers qui diriger le patient.

Il y a en règle générale deux à trois possibilités. Il s’agit d’un problème chirurgical, d’un problème médical ou d’un problème psychiatrique.

Variantes selon les établissements

Dans un certain nombre d’établissements, il n’y a pas de psychiatre sur place.  Soit les gens le savent déjà soit ils sont réorientés vers une structure qui fait tourner une garde de psychiatrie. C’est évidemment une question de budget. Car il faut avoir suffisamment de praticiens sur le pool de garde, pour que cela ne devienne pas un enfer en faisant une nuit à l’hôpital tous les deux jours. Ce qui arrive malheureusement dans certaines spécialités notamment chirurgicales.

Une exception à l’inverse est à Paris le Centre Psychiatrique d’Orientation et d’Accueil (CPOA) de l’Hôpital Sainte-Anne. Il ne reçoit que des urgences psychiatriques. Avec son organisation propre et la coordination de la gestion de la sectorisation en Île-de-France.

Dans d’autres cas, dans les établissements psychiatriques, il va y avoir un(e) psychiatre de garde qui n’accueille pas directement les urgences psychiatriques mais celles ayant transité d’abord par des SAU pour éviter de passer à côté d’une pathologie non psychiatrique. Elle(Il) gérera aussi les problème “locaux”, à savoir les gens qui posent problème sur la nuit, avec sur certains hôpitaux uniquement la partie psychiatrique et dans d’autres aussi la partie non psychiatrique.  

Les choix de l’IAO

Pour revenir à la trajectoire du patient qui a un problème psychiatrique. Celui qui arrive aux urgences d’un hôpital général ayant un(e) psychiatre sur place. Dans certains cas, le patient voit ensuite l’urgentiste qui appelle ensuite la(le) psychiatre. Dans d’autres cas, l’IAO appelle directement la(le) psychiatre de garde.

Si l’IAO appelle d’emblée la(le) psychiatre, c’est en estimant que la problématique psychiatrique est au premier plan. Et qu’il faut d’abord la gérer plutôt que de faire attendre avec les autres problématiques. Celles que les psychiatres ont tendance à nommer “somatique” en référence au corps, par opposition à “psychiatrique”.

Souvent c’est bien pour le patient, cela évite de s’impatienter, de s’agiter et on peut calmer le jeu plus facilement. Parfois, c’est dommage, parce que l’on peut passer à côté d’une raison non psychiatrique d’avoir des troubles du comportement. Comme les psychiatres sont médecins, ils peuvent corriger le tir et confier aux urgentistes la gestion de ce qu’il aura qualifié de “somatique” .

Il y a donc souvent débat au seing des SAU pour savoir si tout patient est vu par l’urgentiste avant l’appel de la (du) psychiatre. Ou si l’IAO peut se permettre d’orienter directement vers celle(celui)-ci.

Le bureau de la(du) psychiatre des urgences

Et là on en vient à mon problème de départ. Une fois appelé(e) par l’urgentiste où l’IAO, la(le) psychiatre se déplace au SAU (s’il n’y est pas déjà pour un autre patient). Elle(Il) va voir la personne “en demande de soins psychiatriques”. Je mets les guillemets parce qu’un autre tri est fait pour les “patients psys”. Il y a ceux qui sont agités et qui vont être placés dans des box “sécurisés”, qui ne peuvent être ouverts de l’intérieur et qui peuvent permettre de contentionner si nécessaire. Et puis il y a ceux qui ne sont pas agités et peuvent être reçus dans “le bureau de la(du) psychiatre”, le fameux bureau au fond à gauche…

Par définition, la(le) psychiatre doit être isolé(e), honni(e), banni(e) du reste de la société comme les malades dont il a la charge. Ainsi, souvent, la géographie hospitalière veut que les architectes ou les responsables hospitaliers mettent les bureaux des psychiatres dans des lieux isolés: au fond d’un couloir, dans une autre aile que le reste des urgences, voire un autre étage.

Avantages et inconvénients

En y réfléchissant bien, cela a un côté pratique: on y est plus au calme que dans le tumulte des salles communes des urgences ou des bips multiples des machines des box où les gens sont vus pour des raisons “somatiques”.

Mais c’est aussi dans cette zone que se trouve la sortie d’urgence où les gens sortent “par inadvertance” pour aller fumer leur cigarette, déclenchant l’alarme incendie régulièrement, les toilettes avec ses odeurs nauséabondes au gré des vomissements des gens bourrés qui finissent leurs nuits au SAU après avoir été ramassés dans la rue en état d’ébriété, les brancards des clochards dont la dernière douche remonte au siècle précédent et qui dorment au chaud les longues nuits d’hiver, faisant travailler la capacité à rester en apnée pour ne pas ajouter sa participation à la contribution des bourrés dans les WC .

Les dangers et leurs solutions

Un autre côté peut être considéré comme intéressant. Cela peut aussi permettre de réguler le flux des psychiatres nationaux. Loin des autres, si le patient s’agite et en vient aux mains avec “velléité de passage à l’acte hétéroagressif”- selon le jargon parfois employé, que l’on peut traduire par “envie de casser de la(du) psychiatre” pour l’occasion – on se sent parfois un peu seule et pas toujours rassurée.

Heureusement, nos gentils architectes ont pensé à tout! L’alarme “anti bris de psy” est un grand classique du genre. Avec selon les services diverses techniques toutes plus astucieuses les unes que les autres. Cela va du bouton poussoir ou la pédale sous le bureau à un système magnétique au mur qui se déclenche quand on le touche avec ses clefs. Et là, la moitié du personnel des urgences qui n’est pas en train de faire un geste délicat sur un patient accoure dans les 10 secondes.

“Oups, j’ai marché sur la pédale sans faire exprès”. Là, je crois que j’ai perdu quelques amis…

Le psychiatre et la mort: lutte au quotidien

 

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Être psy ou ne pas être: qui sont les psychiatres, psychologues, psychanalystes, psychothérapeutes?

 

C’est la question la plus fréquente à laquelle on doit répondre quand on dit qu’on est “psy” quelque chose.

Un “chiatre” est médecin. Il a fait la faculté de médecine et après le tronc commun  de six ans pour tous les étudiants de médecine, il a choisi la spécialité “psychiatrie” pour son internat, qui dure actuellement quatre ans.  A la fin de ses quatre années d’internat, il passe sa thèse de médecine et valide son diplôme d’études spécialisées (DES) de psychiatrie. Actuellement il existe aussi des DESC (diplômes d’études spécialisées complémentaires) en addictologie et en pédopsychiatrie. Un DESC de psychiatrie du sujet âgé est en cours de négociation mais tarde à voir le jour. Il existe aussi encore quelques neuropsychiatres car avant 1968, la neurologie et la psychiatrie n’étaient pas encore séparées. Vu l’âge qu’ils ont maintenant, ce terme devrait être de plus en plus exotique en France…

Un “chologue” a étudié la psychologie à la faculté, avec actuellement au moins un Master 2 de psychologie pour pouvoir exercer. On peut être psychologue clinicien quand le Master 2 est dit “clinique” (ancien DESS) et psychologue de recherche quand le master 2 est dit “recherche” (ancien DEA). La plupart des psychologues cliniciens font en plus des formations en psychothérapie car les études de psychologie restent assez théoriques. Certains psychologues vont plus loin dans les études, avec un doctorat  (thèse de psychologie) voire après avoir obtenu une habilitation à diriger des recherches (HDR) peuvent devenir professeur de psychologie et avoir une chaire d’enseignement et de recherche à la faculté de psychologie.

Un “chothérapeute” a pour vocation d’aider les gens par la parole. On peut de ce fait avoir des formations très différentes. Depuis peu, ce statut est régulé car n’importe qui pouvait se targuer d’être psychothérapeute. On pouvait ainsi être “boucher-psychothérapeute” et n’avoir jamais vu de patients avant de poser sa plaque! Maintenant, il faut en plus d’une formation théorique de psychopathologie d’au moins 400 heures faire un stage pratique d’au moins 5 mois dans un service agréé. Il existe un grand nombre de types de psychothérapies dont les principales sont la psychanalyse, les thérapies cognitivo-comportementales, les thérapies systémiques.

Un “chanalyste” est un psychothérapeute qui utilise la psychanalyse comme type de psychothérapie. Il existe un grand nombre de “courants” dans la psychanalyse, dont les principaux sont les “freudiens”, les “lacaniens” et les “jungiens”. La France reste avec l’Argentine le seul pays où l’ancrage de la psychanalyse reste aussi important comparativement aux autres types de psychothérapies. Pour être psychanalyste, il faut avoir fait une psychanalyse didactique, à savoir se faire psychanalyser soit même par un psychanalyste. On peut donc être psychiatre psychanalyste, psychologue psychanalyste ou boucher psychanalyste. Enfin, maintenant les bouchers doivent faire leurs 400 heures de formation théorique et leur 5 mois de stage dans un service agréé… N’hésitez donc pas à demander à votre psychanalyste ce qu’il a fait comme études!