Le contexte
Dans le même hôpital de l’infirmier que j’ai failli mettre en “iso”, j’ai été confrontée à une mise en image de l’imaginaire général colporté par les films sur la psychiatrie.
Je m’explique.
Dans les représentations artistiques (films, livres, séries, bandes dessinées), un patient agité à l’hôpital psychiatrique se verra souvent mettre en chambre capitonnée, en camisole en tissu avec les bras croisés. Voire un masque pour Hannibal Lecter dans “le Silence des Agneaux”. Peut-être que ces pratiques ont existé et/ou existent encore dans certains pays. Mais je n’avais jusqu’à présent jamais vu de choses de ce registre.
Les chambre d’isolement sont des sortes de cachots (euh, de chambres) globalement sensés être incassables et anti-fugue. On peut même les appeler « chambre à penser » quand on travaille avec les enfants…
Mais toutes celles que j’ai eu l’occasion de voir ne permettent pas de protéger contre des envies éventuelles de se fracasser le crâne contre les murs, très souvent en béton brut. Le capitonnage reste pour moi un effet cinématographique esthétique.
La contention physique et la camisole
Jusqu’à présent, les modes de contention physique (entendez par là la manière d’attacher un patient pour qu’il évite de se faire du mal ou d’en faire aux autres) que j’avais eu l’occasion de voir étaient plutôt high tech, avec des systèmes de sangles et d’attaches aimantées se fixant à des lits spéciaux disposant de systèmes d’accroche.
Tous les fabricants vendent maintenant la même chose en terme de système avec des variantes sur ce que l’on a besoin d’immobiliser. Bras, jambes, le plus fréquemment, abdomen souvent et parfois aussi la tête.
En pratique, il faut être quatre personnes au minimum, entraînées et ayant dans sa poche un diplôme d’ingénieur pour ne pas se tromper dans les “détails” des processus d’attache. Les patients se détachent régulièrement en partie voire en totalité avec des surprises parfois désagréables. La plupart du temps, c’est parce que dans le feu de l’action, un “détail” nous a échappé…
En gros, ça coûte cher, c’est compliqué et chiant à mettre, pas super efficace. Mais il y a le tampon “Validé par l’Union Européenne” et les instances françaises sur le plan légal.
Avant, les camisoles en tissu étaient utilisées dans le même objectif. Avec une efficacité probablement meilleure et un côté vintage que je ne pensais pas voir au cours de ma carrière. Jusqu’à cette autre garde dans ce centre hospitalier spécialisé.
La situation
On m’avait aussi appelée pour isoler et contentionner un patient. C’était un grand gaillard atteint de schizophrénie. Il délirait plein pot et était agressif, insuffisamment géré par son traitement médicamenteux. Cet homme demandait lui même à être contentionné pour se protéger de ce qu’il pourrait faire. Car il savait qu’il pouvait être très violent et avait peur de ses propres réactions.
Mon rôle dans cette situation était uniquement de valider la prescription médicale d’isolement et de contention. Je n’avais pas vraiment de marge de manœuvre car les infirmiers avait géré l’urgence et achevaient de le contentionner.
Et là, horreur éthique: une sorte de pyjama de bébé allant des pieds jusqu’au cou, en une pièce de tissu renforcé. J’ai même eu droit à un semblant de cours de tricot par l’infirmier pour m’expliquer le type de tissu. Le tout rabattant les bras et les jambes attachés vers chaque pied de lit, telle une étoile de mer échouée sur la plage…
… avec une pièce de tissu manquant au niveau de la sphère génitale.
Pour permettre au patient de faire ses besoins naturels, il lui fallait avoir le sexe à l’air!
High tech et peu efficace ou vintage et éthiquement questionnant?
Ethiquement questionnant. Mais bon, rien de particulièrement choquant quand on connaît le système du point de vue du patient.
« Il délirait plein pot et était agressif »
Et il racontait quoi, exactement?
J’avoue ne plus me souvenir du contenu du délire. Je ne l’ai pas vu dans un contexte qui prêtait à l’entretien de bonne qualité et c’était il y a déjà un peu plus de dix ans…
Y a t’il des études qui permettent d’avoir un breakdown statistique du type de « délire » avec des études détaillées qui permettrait de développer clairement l’articulation du « délire »?
Parce que j’ai vu vrai délire et « délire ». J’aimerais bien savoir en détail comment les psychiatres bossent en détail sur les délires et « délires ».
Personnellement, je me souviens très bien de tous les délires et « délires » que j’ai pu observer de plus ou moins près depuis 18 ans.
Je ne sais pas s’il y en a. Ce que l’on sait et est déjà pas mal théorisé est que c’est une approche de reconstruction explicative de perceptions erronées. Il y a pas mal de manières de travailler dessus. En fonction de l’objectif. Scientifique dans le cadre des études ou thérapeutique. Pour la deuxième option cela dépend de l’effet de la pharmacologie mais il s’agit beaucoup d’éducation thérapeutique.
Pour les souvenirs, je n’ai visiblement pas votre performance mnésique! Mais sur les centaines de patients vus cela ne me semble pas si pathologique…;)