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La violence de l’amour et le double sourire

double sourire

Antoine est un rescapé de la violence de l’amour. De l’intensité que les émotions non réciproques peuvent provoquer. Parce que l’amour, lorsqu’il est partagé, amène son lot d’affects positifs, la plupart du temps. Alors que son caractère unilatéral, qu’il soit dès le départ ou qu’il change en cours de route, provoque souvent un certain nombre de remous qui parfois assaille sa victime de manière dévastatrice. Si la tendance de personnalité le favorise, la dépression peut se greffer sur un chagrin d’amour. Et quand le tempérament tire sur l’impulsivité, un geste grave peut émailler le parcours de l’énamouré déçu.

En l’occurrence, Antoine s’est senti déshonoré que Sylvia le quitte. Personne n’avait le droit de lui faire ça. Le larguer. Lui. Le directeur général d’une boîte d’une trentaine de salariés. Dont Sylvia faisait partie. Il avait pensé qu’il ne pourrait plus jamais revenir au travail et la revoir alors qu’ils n’étaient plus ensemble.

Après deux ans de relations oscillant entre l’harmonie et le chaos, il avait tout de même réussi à accepter qu’elle vienne chez lui avec sa fille. Malgré toute les précautions qu’il avait réussi à imposer dans leur couple lorsqu’ils étaient au travail, Antoine était certain que des proches collaborateurs avaient fini par être au courant de leur relation. Et ça il ne le supportait pas. Il préférait qu’on le croie célibataire, libre, disponible à chaque instant. Pour ne pas rater une occasion. On ne sait jamais. Des fois qu’un plan cul d’un soir puisse se faire en toute discrétion.

Antoine s’est dit qu’il ne pouvait plus rester sur Terre dans ces conditions. Vrai célibataire. Ce n’était pas acceptable. Alors il a pris un couteau de boucher dans le tiroir de sa cuisine. Cet homme pragmatique a regardé la lame et s’est dit que ce serait douloureux. A ce moment, il s’est souvenu du vieux rhum que lui avait ramené sa soeur deux ans auparavant de la Guadeloupe. Promptement, Antoine s’est servi un premier verre, qu’il a tenté de savourer.

Mais il était encore craintif quant à ce qu’il allait ressentir. Il s’est donc resservi. Un deuxième. Puis un troisième. Les autres, il ne les as pas comptés. Mais le courage a commencé à diffuser plus facilement dans ses veines, jusqu’au moment où Antoine a reposé la main sur le couteau. Et d’un geste unique, rapide et puissant, le couteau a fait sur son cou le mouvement que le violoniste fait subir à l’archet sur son instrument.

De la peau, des muscles, une jugulaire, les cartilages de la trachée. Une belle plaie qu’il avait pu tailler dans sa chair presque sans la sentir, formant un double sourire. C’était donc vrai, à ce point, l’efficacité anesthésiante de l’alcool…

C’était fait. Maintenant, il n’y avait plus qu’à attendre. Bientôt, tout cela n’existerait plus. Peu à peu, il se sentait partir, comme s’il s’endormait. Puis un voile noir s’abattit sur ses yeux dont les paupières lui semblaient déjà si lourdes. Inconscient.

Brièvement, Antoine s’est réveillé un moment dans la flaque de sang qui se vidait de sa gorge, avant de reperdre connaissance.

Heureusement que Sylvia avait encore les clefs de chez lui. Et de bons réflexes. Bien que la scène qu’elle vit se fixa à jamais sur ses rétines et dans sa mémoire, la bouche ouverte et les yeux écarquillés, elle fit le 15 sur le clavier de son téléphone comme le nouveau-né gonfle ses poumons en quittant la douceur et la chaleur du ventre de sa mère. Spontanément. Sans réfléchir. Antoine avait de la chance d’habiter dans une zone  bien dotée sur le plan hospitalier. Le SAMU fut rapide. Et la régulation avait prodigué les bons conseils.

Il a repris conscience définitivement en réanimation chirurgicale, les yeux encore collants, la bouche pâteuse. Antoine se sentait sec, vidé de l’intérieur. Il avait affreusement mal à la gorge et sentait que cela tirait terriblement au niveau de son cou.

Antoine apprit un peu plus tard qu’il avait eu droit à quelques poches de transfusion en plus de l’hydratation massive dont il avait bénéficié.

Après récupération en réanimation, Antoine a été transféré dans notre service de psychiatrie, où je l’ai rencontré. Il avait des RDV réguliers avec les chirurgiens, soit dans leur service soit dans le nôtre, notamment pour suivre l’évolution de la cicatrice.

J’ai d’abord été surprise par le contraste entre son apparente froideur et l’intensité des émotions qu’il pouvait décrire lorsqu’il parlait de sa relation avec Sylvia.  L’expressivité de ses émotions n’existait pas ou plaquait-il des mots relatifs à des émotions qu’il ne ressentait pas? Etait-il joueur de poker, sachant masquer ce qui se passait en lui ou manipulait-il en faisant état d’émotions feintes?

Dans tous les cas, la souffrance était là, présente, au point qu’il ait décidé de mourir de manière assez impressionnante. Sa cicatrice me faisait penser au Joker de Batman, au sourire berbère. Certains ont un double menton. Lui, avait un double sourire (quand le supérieur se mettait en action!)

D’emblée, je ne me suis pas sentie à l’aise avec lui. Il y avait un truc que je ne sentais pas. Bizarrement, j’avais l’impression qu’il était là par erreur. Très rapidement, il n’a plus présenté de symptômes dépressifs. Il n’avait déjà plus d’idées suicidaires à notre première entrevue (ce qui m‘a rappelé Gingko et son Hara Kiri qui m’avait bluffée). Etait-ce encore une fois l’action de la réanimation? Avait-il reçu par hasard de la Kétamine lors de sa chirurgie, décrite comme efficace contre la dépression et les idées suicidaires rapidement après la perfusion et durant jusqu’à parfois deux semaines? Je ne le savais pas et avoue que ces questions n’étaient pas présentes au moment où je le voyais.

Antoine me paraissait en fait le prédateur. Je ne parvenais pas à voir en lui la victime mais l’auteur du cauchemar qui avait amené Sylvia à prendre la décision courageuse de s’en séparer. Elle m’avait appelée pour s’enquérir des nouvelles de son ex compagnon et m’avait dressé le tableau d’un personnage soufflant le chaud et le froid, capable d’attentions magnifiques comme d’un désintérêt cassant et méprisant, pouvant être violent aussi bien verbalement que physiquement. Sylvia m’avait bien sûr précisé de ne surtout pas dire qu’elle avait appelé. Elle ne désirait plus le voir et faisait des démarches pour changer de travail.

Je percevais qu’Antoine désirait paraître au mieux avec moi, faire bonne impression. J’étais décisionnaire de sa prise en charge psychiatrique, avec ce fameux pouvoir de le faire rester ou sortir de nos lits.

On pouvait dire assez facilement qu’Antoine avait une personnalité narcissique. Je ne rentrerai pas dans le débat sur le pervers narcissique, assez à la mode qui a été l’occasion à un certain nombre de collègues de rédiger des ouvrages à ce sujet. Cependant, au vu des éléments fournis par Sylvia, il n’était pas impossible qu’il puisse rentrer dans la description de ce type d’individus. Dont la jouissance de la souffrance de l’autre fait partie du profil. Je vous avouerai que ce n’est pas évident à aborder en entretien. En tous cas, à l’époque, je ne me sentais pas en mesure de pouvoir le faire.

Nous avons pu établir que son état émotionnel était meilleur sur une période assez longue. Sa cicatrice était belle. Antoine tolérait bien l’antidépresseur que ma collègue qui l’avait vu en liaison dans le service de réanimation avait introduit et dont je n’avais fait qu’ajuster la posologie. Nous lui avions trouvé un collègue pour le voir régulièrement à sa sortie.

Bref, il était sortant.

Sera-t-il une nouvelle fois victime de l’amour? En fera-t-il d’autres?

La Bouteille cachée de Marie-France

La Bouteille

Marie-France avait fait de nombreuses démarches pour changer de lieu de prise en charge et venir parmi nous. Elle avait déjà eu l’habitude d’être hospitalisée sur son secteur à de multiples reprises pour des syndromes anxio-dépressifs et des cures de sevrage dans un contexte de consommation chronique d’alcool. Un diagnostic de bipolarité traînait dans les cartons. Son ordonnance faisait peur. Tant de lignes.  A son âge.

A peine la trentaine, d’origine antillaise, Marie-France cumulait un certain nombre de difficultés.  Bringueballée dans sa petite enfance à la suite de la séparation de ses parents, elle avait côtoyé un certain nombre de beaux-pères du fait de l’instabilité de sa mère dans les relations amoureuses. Sa mère n’avait pas été en mesure de lui fixer des limites claires car elle avait elle-même eu du mal à se les représenter de par sa propre expérience globalement anarchique. Alors Marie-France ne savait pas trop où elle campait. Sa vie était faite de ruptures.

Sur le plan professionnel, elle enchaînait des contrats courts, se fâchait avec ses collègues, ses patrons, repassait pas la case Assedic puis Pôle Emploi. Elle avait fait tellement de métiers différents qu’elle aurait presque déjà pu dresser un inventaire de la diversité de l’emploi en France. Précaire, bien entendu! Marie-France avait bossé dans la vente et la restauration sur différents postes, mais elle avait aussi fait des jobs comme plier et rouler des affiches publicitaires, trier des factures, coller des timbres, peindre des figurines, faire des saisons loin de chez elle en vendant des chouchous sur la plage, aidant pour les vendanges…

Bref, Marie-France avait vu du paysage et rencontré des gens différents  suffisamment régulièrement pour ne pas avoir d’attaches fixes. Elle considérait que l’Homme était plus un problème qu’une solution et commençait à devenir sérieusement misanthrope. La seule, qui avait grâce à ses yeux, de plus en plus au cours de sa vie, était La Bouteille. Toujours rassurante, apaisante et disponible, si elle en mettait le prix. Jamais un mot plus haut que l’autre. La Bouteille lui conférait ce qui lui semblait le plus important dans cette vie qui générait un embouteillage au sein de ses pensées: leur progressive dissolution, jusqu’à l’oubli.

Seul hic, qui revenait tel un boomerang dès le lendemain, les conséquences relationnelles. Les amis, elle en avait soupé. Mais là, elle avait sérieusement réussi à se brouiller avec sa mère et sa soeur, d’une manière qui lui semblait irréversible. Marie-France ne pouvait désormais plus compter que sur elle-même.

Cette jeune femme pleine de ressources qui avait aussi mis un terme à sa prise en charge addictologique antérieure avait remué ciel et terre pour venir se faire hospitaliser sur le service où je travaillais à ce moment. Elle voulait qu’on réévalue les diagnostics et les traitements qu’elle avait et en profiter pour faire un énième sevrage de La Bouteille (voir ici pour une autre histoire de sevrage chez un pilote de ligne).

Le programme avait l’air alléchant. L’équipe de soins était motivée. Personnellement, j’étais curieuse de la manière avec laquelle mon chef de l’époque allait procéder, car en étudiant le dossier médical et les comptes-rendus qui nous avaient été transférés des établissements de soins qui avaient déjà eu l’occasion de s’occuper de Marie-France, je sentais que nous n’étions pas au bout de nos peines. Outre l’addiction à l’alcool, il y avait eu aussi de nombreuses autres addictions, au cannabis, à la cocaïne, aux médicaments anxiolytiques  (voir cet article sur Huguette et l’arrêt des gouttes) et antalgiques, aux jeux d’argent.

L’impulsivité de Marie-France ne se cantonnait pas aux addictions. Elle se mettait aussi en danger sur le plan alimentaire, avec des crises de  boulimie. Baffrant par exemple deux brioches de quatre-cent grammes et deux tablettes de chocolat en quelques minutes. La culpabilité se déclenchait sitôt l’exploit achevé, l’estomac dilaté. Marie-France usait alors de son fameux pistolet manuel,  l’index et le majeur lui chatouillant le fond de la gorge pour stimuler le réflexe nauséeux et ainsi se vider de son forfait. Allégée du poids acquis temporairement, la culpabilité se dégonflait automatiquement. Jusqu’à nouvel ordre…

Par ailleurs, elle avait aussi une conduite “sportive”. Et il n’était pas rare que Marie-France soit sous l’emprise de l’alcool au volant. Malgré une certaine chance, elle avait tout de même perdu un certain nombre de points de son permis.  Et elle n’était plus très loin de se le faire retirer à la prochaine incartade.

Toutes ces caractéristiques de personnalité laissaient entendre qu’il y avait probablement un trouble de personnalité limite ou borderline sous-jacent (voir cet article pour une autre vignette illustrant cette problématique)

Du fait de son bagout certain, elle avait réussi le tour de force de garer sa voiture non loin du service, sur des places habituellement réservées à des professionnels de santé. Ayant voulu ramener tout son domicile à l’hôpital, comme ses trois valises ne rentraient pas dans le placard de la chambre du service, elle stockait aussi dans sa voiture. Où elle faisait donc régulièrement des petits passages.

Jusque-là, les choses se passaient bien. Nous avions pu progressivement alléger son ordonnance en antalgiques jusqu’à pouvoir retirer ceux de pallier deux et trois, en accord avec l’équipe mobile de la douleur, réduire le nombre d’anxiolytiques pour ne garder plus qu’une seule molécule (elle en avait quatre!) et faire un travail sur le traitement de fond qui associait trop de régulateurs de l’humeur, d’antidépresseurs et d’antipsychotiques pour qu’on puisse avoir une vision claire.

Au bout d’un moment, nous avons par contre senti la réserve qu’avait Marie-France à la diminution de l’anxiolytique qui restait. Et malgré des changements de vêtements pas aussi fréquents qu’il eût été légitime de retrouver, elle faisait des passages à sa voiture qui semblaient se multiplier. Jusqu’au jour ou un soignant a pu la voir “se recharger” dans sa voiture, qui en fait contenait un certain nombre de litres de rhum, destinés à ce qu’elle puisse tenir son hospitalisation qui avait vocation à ce qu’elle puisse se sevrer de l’alcool…

Un classique que j’avais déjà vu lors de remplacements en clinique. Et qui mettait en exergue la difficulté de l’aide portée aux personnes désirant rompre avec la substance pour laquelle la dépendance rendait la motivation au sevrage relativement fragile. Certains pouvaient avoir la “bonne volonté” de tout mettre en oeuvre pour que cela puisse marcher. Faire en sorte que toutes les cartes soient de leur côté. D’autres, à l’avance, prévoient qu’ils craqueront et facilitent la rechute avant même de parvenir au sevrage d’une durée suffisante en se gardant sous le coude de quoi tenir, au cas où cela serait trop dur. Tout en laissant croire aux soignants que leur désir reste intact de parvenir au but initialement recherché.

Il s’agit en fait de la banale ambivalence dont on parle souvent dans le métier de psy (mettez ici le suffixe de votre choix et pour vous y référer, n’hésitez pas à cliquer sur l’article suivant pour différencier les différents psy). Cette ambivalence est particulièrement importante dans le contexte du sevrage, aussi bien pour les dépendances avec substances que sans. La volonté étant un processus labile, pouvant passer d’un ancrage à l’allure stable, à un moment donné, à une notion bien plus éthérée, parfois pour certain·e·s quelques minutes après avoir fait état de cette détermination à l’aboutissement d’une action.

Pour revenir à Marie-France, nous étions assez embêté·e·s. Comme dans un certain nombre d’institutions, il y avait des règles en vigueur, dont l’application permettait une gestion du service pour éviter le règne de l’anarchie. Certaines, logiques, légitimes, explicables. D’autres, parfois plus arbitraires. En l’occurrence, l’exclusion des personnes qui font rentrer dans l’établissement de soins le produit pour lequel ils viennent effectuer un sevrage est un classique des règles, jugées arbitraires par certains et logique pour d’autres.

Nous aurions été à l’armée, j’aurais compris. Les règles sont les règles, aussi stupides qu’elles puissent être. Mais en médecine, si l’on considère l’intérêt du patient comme le coeur de notre objectif de prise en charge, l’application de certaines règles me semble contre-productive. Malgré mon argumentaire, il me fut opposé que si l’on commençait comme cela, l’anarchie allait s’installer. Qu’il n’y aurait plus de sens à nos prises en charge.

Marie-France a ainsi été “virée” du service, comme la mauvaise élève qu’elle avait été au collège, pour les mêmes comportements jugés non respectueux de l’institution.

Ma curiosité du début s’était transformée en une immense frustration. Le travail avait été fait à moitié. Son ordonnance allégée, la Bouteille faisait encore partie de son quotidien…

Suzanne ou quitter la Tunisie pour la France

tunisie

 

Suzanne fait partie de ces être déracinés. A soixante-treize ans, elle a vécu une fraction de sa vie restreinte sur le territoire français. Cette mère de trois enfants a quitté il y a deux ans le soleil de Tunisie où elle avait vu le jour pour venir s’occuper de Saïd, son plus jeune fils installé ici. Saïd,  qui a des soucis de santé mentale.

Les deux aînés, dont l’un était en Tunisie et l’autre au Canada, je n’en ai jamais entendu parler. Pas plus que du père de ses enfants, décédé il y a plus de vingt ans d’un accident cardiaque. Mais Saïd, le petit dernier, elle n’avait que son nom à la bouche tout du long de chacune des consultations où j’ai pu la recevoir.

Il était déjà un peu suivi par un psychiatre en Tunisie et avait reçu des médicaments mais elle ne se souvenait plus trop quoi ni pourquoi. A contrecoeur, mais ne sachant comment faire autrement pour sauver sa fève, son loukoum, elle a fait place nette en lâchant son bel appartement qu’elle louait là-bas, pliant bagages avec le strict minimum pour venir s’installer dans le deux pièces de son fils dont elle payait déjà le loyer depuis des années. Ses amis et le reste de la famille lui manqueront peut-être, mais sa place est ici, auprès de la prunelle de ses yeux.

Cependant la prunelle est véreuse. Saïd, trente-deux ans, passe le plus clair de son temps rond comme une queue de pelle. Il avait réussi tant bien que mal avec l’aide de maman (influente à distance) à trouver une situation il y a cinq ans quand il avait décidé de partir de Tunisie. L’eldorado français l’avait attiré. Le champ des possibles lui avait semblé infini. Au départ, Saïd avait réussi à être à la hauteur des attentes des personnes auprès de qui sa mère l’avaient recommandé. Mais cela ne dura pas bien longtemps et Suzanne eut la chance d’avoir déjà la chevelure intégralement de sel. Pas de besoin de se faire de cheveux blancs supplémentaires…

Les soucis débutèrent rapidement par de mauvaises fréquentations pour son petit, qui l’incitèrent à consommer de l’alcool. Du moins c’est comme cela que Suzanne présentait les choses.

  • Vous savez, il est teeeellement influençable le pauvre. Pas la moindre volonté. Je sais que ce n’est pas de sa faute. Il faut que je sois derrière lui tout le temps.
  • Il a bien réussi à gérer pendant trois ans tout seul si vous étiez en Tunisie et lui en France, suggérais-je pour tenter de donner un minimum de responsabilisation à son fils.
  • Vous croyez peut-être qu’il est capable de gérer son argent? J’ai fait sa banquière pendant toute cette période. Et encore aujourd’hui. Il est capable d’aller faire la manche pour pouvoir boire quand il ne lui reste plus rien sur le compte en banque!

Difficile d’appréhender la psychopathologie de quelqu’un qu’on ne voit jamais mais dont on entend parler régulièrement en creux de la relation que la personne qui vient nous consulter a avec. Heureusement que Saïd est suivi déjà par le secteur où il est bien connu et pris en charge.

  • Ils me disent au CMP  (voir ici le fonctionnement de la psychiatrie en France pour comprendre) qu’il faudrait que je lui lâche la grappe, mais je suis sa mère. Je le connais depuis suffisamment longtemps pour savoir ce qui est bon pour lui. Vous imaginez, ils veulent que je l’abandonne!
  • Ils ne vous demandent pas de l’abandonner mais probablement de l’aider à prendre son indépendance j’imagine.

J’avais voulu un moment joindre les collègue mais vu le flou des informations que Suzanne m’avait donné, et le temps que j’avais de disponible à l’époque, je n’avais pas réussi à  retrouver qui s’occupait de Saïd.

  • Je suis inquiète docteure, je pense qu’ils ne mesurent pas l’ampleur de ses difficultés. Il ne prend pas ses médicaments tous les jours, passe souvent la journée entière au lit dans le noir.
  • Et si vous lui proposez votre aide pour la prise des traitements?
  • Des années durant c’est moi qui l’ai fait, évidemment. Mais maintenant, il s’énerve, me rejette. J’ai l’impression qu’il commence à croire ce qu’ils essaient de lui mettre dans la tête.

Dans cette prise en charge, je ne savais pas trop où aller. Elle n’avait pas de pathologie psychiatrique à proprement parler. Ses craintes avaient l’air justifiées. Elle défendait un peu son beefsteak, logiquement. Elle n’avait plus de logement en Tunisie, vivait une colocation complexe avec son fils probablement psychotique et alcoolique qui n’avait pas l’air toujours tendre avec elle et elle sentait qu’il finirait par la mettre à la rue, alors même que c’est elle qui payait le loyer et qu’elle n’avait plus de quoi se payer autre chose.

  • Je ne suis pas chez moi ici. Je suis une étrangère, je me sens comme la mauvaise herbe sur un beau gazon anglais.
  • Et si vous lanciez des dossiers pour avoir un logement social? Ou que vous aidiez votre fils à bénéficier d’aides qui permettront de réduire la part de ce que vous lui donnez pour avoir pour vous?
  • J’ai déjà commencé beaucoup de démarches. C’est long l’administration. Et il manque toujours quelque chose.
  • Oui, mais ça vaut le coup d’insister. Vous pourrez plus facilement souffler et vous faire moins de soucis.
  • Peut-être. Je vais voir…

C’était la dernière fois que je voyais Suzanne au moment de cet échange. Avant de partir, je l’ai adressée à la collègue qui m’a succédée. Encore une fois, je ne sais pas ce qu’elle est devenue. Mais je préfère m’imaginer qu’elle a pu trouver un logement décent en dehors de celui de son fils. Et que Saïd a pu arrêter de taquiner la bouteille…

Anthony: Pilote de ligne et alcoolique

pilote de ligne et alcoolique

 

Il y a des professions pour lesquelles certains maux ne rassurent pas.

J’ai rencontré Anthony lorsque je faisais un remplacement dans une clinique où l’on avait l’habitude de soigner les personnes qui pouvaient être atteintes d’addiction à l’alcool. Que certains nomment “alcooliques” ou “alcoolo” mais dont le jargon psychiatrique, plus classieux, évoque une “dépendance à l’alcool” ou désormais avec la nouvelle classification DSM 5 “ trouble lié à l’utilisation de l’alcool”.

Le résultat en est le même: les gens boivent de l’alcool, de plus en plus et malgré l’évidence des conséquences désastreuses que cela peut avoir dans leur vie, ils ne peuvent s’empêcher de continuer.

Anthony buvait donc de manière déraisonnée en dehors de ses horaires de travail et uniquement en dehors, m’avait-il assuré. Et il valait mieux que cela ne soit pas pendant car je ne sais pas combien le permis à point des pilotes en contient. Ni le nombre de ceux qui sont enlevés en cas de ballon qui vire au vert et le prix de l’amende mais il y a peu de chances que cela passe.

Oui, Anthony est pilote de ligne et alcoolique. Courts ou moyens courriers. Quatre-vingt à cent heures de vol par mois, ce qui lui laisse quelques jours de repos pendant lesquels il ne vole pas et peut encaisser les litres de champagne qu’il s’envoie.

Au début, c’était festif, avec les copains. En soirée. Puis c’est devenu sur de plus longues périodes de la journée, plusieurs fois par semaine. Ce n’était pas un problème car les jours de vols, il savait s’arrêter de boire et être sobre pour amener les clients à bon port.

Personne ne s’en était rendu compte jusque-là mais cela devient de plus en plus difficile au quotidien pour Anthony. Les jours sans champagne sont de moins en moins agréables à vivre et là, il a réalisé que c’était un problème et qu’il valait mieux le résoudre vite.

Alors il a pris des vacances auprès de sa compagnie pour se faire hospitaliser quinze jours et se sevrer de ce produit dont il ne sait se défaire seul. Les murs de la clinique, les soignants, les entretiens psychologiques, psychiatriques, les groupes alcool, les médicaments. Autant d’outils pour l’aider à vaincre son addiction.

La dernière fois que je l’ai vu, il avait l’air motivé pour critiquer le produit mais se méfiait plus de son ennemi intérieur, fragilisant face à cette tentation qui s’engouffrait à la première occasion. Comment remplir le vide de ses journées où il ne volait pas? Comment retrouver une compagne qui irait à la cheville de celle qui l’avait quitté il y a quelques années, et dont il n’avait pas fait le deuil de la rupture?

Autant de questions angoissantes quand il se retrouvait face à lui, qui l’avaient incité à taquiner la bouteille puis à lever franchement le coude. Ne dit-on pas que les soucis se dissolvent avec l’alcool?

Espérons qu’il y soit parvenu et qu’il vole maintenant serein, aidé par un collègue qui lui aura appris à faire ce travail de deuil et à accepter de se retrouver face à lui sans être angoissé au point de devoir éteindre ses émotions avec une bouteille.

Je ne suis pas impulsif, j’ai juste un tempérament slave

 

tempérament slave

Dans un des services de secteur ou j’ai travaillé, j’ai eu l’occasion de suivre un patient assez impressionnant, Mr Jkastouh. Il s’agissait d’un colosse de plus de deux mètres originaire des pays de l’est. C’est toujours une formulation un peu floue qui peut pour les français englober tous les pays d’Europe (si l’on excepte la Belgique, les Pays Bas, le Luxembourg, le Royaume Uni, l’Irlande, l’Espagne et le Portugal). En l’occurrence, je le voyais bien serbe. Mais bon, sans certitude. Ce dont je me souviens, c’est qu’il était hospitalisé depuis longtemps dans un contexte de schizophrénie résistante avec un traitement assez lourd.

En plus des manifestations psychotiques de la schizophrénie, il avait aussi des traits de personnalité psychopathique (aussi appelée antisociale), association que dans notre jargon nous nommons la schizophrénie héboïdophrène. Enfin bon, avant l’ère du DSM5.

Bref, ce n’était pas un enfant  de cœur, mais tout n’était pas fait de manière vraiment consciente.  La maladie lui donnait des “circonstances atténuantes”. Pour impressionner les nouveaux arrivants, les femmes et les plus jeunes, il avait pris l’habitude de raconter ses frasques et ses virées dans les bars.

Mr Jkastouh avait eu plus jeune une pratique intensive de sport de combat violent et il aimait à rappeler qu’il faisait de la boxe thaïlandaise et du Krav maga.

Il avait un lever de coude relativement dynamique, mais une génétique favorable à une certaine tolérance et un corps suffisamment vaste pour diluer une partie de l’alcool qu’il buvait.

Tout n’avait pas vocation à finir au fond de l’urinoir et une bonne partie montait tout de même à la tête, avec des manifestations de violence caractérisée qui pouvait sembler gratuite à certains moments. L’histoire qu’il avait tendance à raconter le plus souvent avait sympathiquement commencé par une beuverie fraternelle au bar avec d’autres piliers, quand il s’est senti attaqué au sujet de sa mère. Un grand classique indémodable…

Ni une ni deux, il a commencé par donner quelques coups, puis utiliser le mobilier du bar. Et c’est avec un sourire jusqu’au oreilles qu’il était fier de dire:

  • J’ai pété une table, trois chaises et quelques gueules. Quand les flics sont arrivés, il a fallu qu’ils soient quatre pour réussir à me contenir. Mais une fois arrivé au poste, j’leur ai sorti mon ordonnance et j’leur ai dit que j’étais suivi en psychiatrie. Y z’allaient quand même pas me foutre en tôle!

Quand ma chef de l’époque m’avait dressé le tableau de son histoire au moment où j’arrivais dans le service, elle avait évoqué les différents symptômes qu’il pouvait présenter. Parmi ceux-ci, elle avait dit:

  • Mr Jkastouh est un peu impulsif
  • Mais pas du tout Docteure, je suis pas du tout impulsif, j’ai juste un tempérament slave! Et j’suis pas méchant. Faut juste pas me chercher. J’vous conseille pas de parler de ma mère. Vous les psy vous avez qu’ce mot là à la bouche. Alors vous l’savez maintenant: on en parle pas avec moi!

Et de préciser:

  • J’ai fait de la box thaï et de l’ultimate fighting, alors j’ai peur de personne. J’ai donné plus de coups que j’en ai reçus.

Au vu de la tête du bonhomme, on ne peut manquer le fait qu’il ait reçu un bon nombre de coups. Dur d’imaginer qu’il ait pu en donner plus que cela!

Je n’ai évidemment jamais vu ce patient seule. Bien qu’à force de prendre des coups, d’avoir des poussées récurrentes de sa maladie et de recevoir des médicaments apaisants il paraissait plus inoffensif qu’il ne l’évoquait, je ne voulais pas risquer de me faire aplatir ou de voir sortir des bouts de mon cerveau par mes oreilles…

Cannabis, Facebook et cinéma

Cannabis Facebook et cinéma

La première fois que je l’ai vu, il était mal voire pas rasé, sentait le tabac froid avec une telle intensité que mon bureau s’emplit de ces effluves en moins de deux minutes. Vingt-deux ans, le dos voûté, ses petits yeux interrogatifs croisant parfois mon regard, Jérôme avait décidé de faire une thérapie pour faire le point sur sa “vie de raté”. Pour parvenir à se comprendre et changer la donne.

Il avait débuté des études d’informatique mais était recalé cette année du fait de ne pas avoir rendu un mémoire. Jérôme passait donc le plus clair de son temps chez lui à fumer des joints et être dans son petit monde. Il avait des amis qu’il avait par moments du mal à fréquenter. Sa sociabilisation sous cannabis n’étant pas la meilleure. Certains d’entre eux faisaient partie du monde artistique.

Cinéma

Ainsi, a-t-il pu avoir la chance de participer au tournage du dernier film d’un grand réalisateur. En tant que figurant, certes, mais notre apprenti acteur avait pu voir un peu les dessous de cet univers. Le réalisateur offrait des consommations gratuites dans des vrais bars pour rendre plus vraie l’ambiance. Jérôme ne se fit pas prier et devint un peu entreprenant avec l’une des filles avec qui il avait eu la chance de partager ce moment convivial. Après quelques verres de trop, il ne se fit plus servir et fut congédié le lendemain.

  • Je me suis pas fait virer, hein! Mais bon, j’ai senti assez rapidement que l’assistante réalisatrice m’avait dans le nez. Ma gueule lui a pas plu, alors y a des chances que j’apparaisse pas au montage…

Cela l’avait pas mal secoué et Jérôme avait décidé quelques temps d’arrêter de fumer des joints. Enfin, jusqu’à la prochaine occasion d’en racheter… Soit moins de dix jours après!

Le délire

La dernière consultation où j’ai vu Jérôme, il m’a confié avoir traversé une période sacrément difficile depuis la consultation précédente. Il était convaincu qu’il était dans un film en cours de tournage, dont il était la caméra, le point de vue.

  • J’avais la sensation d’être dans la matrice et de chercher le lapin blanc. Que j’allais être contacté par Morpheus. C’était pas angoissant du tout. Je sentais qu’il était bienveillant. Tout prenait sens, avait une logique. Tout pouvait s’expliquer.

Il avait une diction rapide et s’animait par moments en évoquant son vécu expérientiel. Je commençais à me familiariser avec l’haleine de tabac froid et de cette odeur âcre que ses vêtements exhalaient aussi.

Facebook et l’amour

  • Le point de départ de tout ça, c’est quand même cette fille, Maud. J’ai fait connaissance avec elle dans un bar et on s’est échangés nos Facebook. J’ai commencé à discuter avec elle sur ce réseau social où je me suis inscrit justement pour ça. J’suis pas trop réseaux sociaux, mais pour draguer, si t’as pas un Facebook, c’est comme pour l’histoire de la Rolex à cinquante ans. Après j’ai dû être trop insistant, alors elle m’a bloqué. La loose…!

Cela avait été alors pour lui une grosse source de souffrance et de frustration et il avait commencé à décrypter tous les signes potentiels qu’il pouvait tout autour de lui.

  • Sur Facebook j’ai bien compris que tout faisait référence à Maud, que tout ce que les gens pouvaient dire aboutissait à elle, qu’elle était mon programme, mon aboutissement, la fin de mon film.

Il semblait obnubilé par cette fille qui ne montrait pas le moindre intérêt pour lui.

  • Dehors, c’était pareil, je sentais que Maud avait semé des indices partout pour que je puisse la retrouver, comprendre des choses sur elle. Bref, que je puisse être plus proche.

Les parents et le médecin traitant

En jeune adulte fraîchement et partiellement émancipé, il revenait régulièrement chez ses parents le week-end. Lessive, quelques tupperwares pour la semaine faisaient partie des agréments de ne pas complètement couper le cordon.

  • J’ai été chez mes parents pendant quelques jours et ils m’ont trouvé bizarre. Je leur ai raconté ce que je vivais, ce que je ressentais en ce moment. Ma mère a été voir son médecin généraliste et il m’a dit que je faisais une bouffée délirante aiguë ou épisode psychotique bref.

Et là, je me disais, alléluia! Magnifique travail du médecin traitant qui le connaît depuis qu’il babille. Mon travail sera plus simple.

  • Je me suis bien fait enguirlander, mais la vérité j’ai vraiment eu la sensations qu’ils étaient tous inquiets pour moi. C’est vrai que là, depuis que j’ai à nouveau arrêté les joints, je critique un peu cette période. Maintenant je m’en fiche de finir le film. Adviendra ce qui adviendra.

Critique partielle de son délire. Le mi-figue mi-raisin de la réassurance de la psychiatre.

Le cannabis

  • Et donc vous avez arrêté complètement les joints?
  • Enfin presque, j’en fume plus que deux trois par jour, rien à voir avec ce que je fume d’habitude!

C’était couru d’avance. Malgré le désir d’y croire. Là, je me dis que je ne suis pas plus avancée. Car la grosse question dans ce genre de cas de figure, c’est de savoir s’il débute une schizophrénie où si c’est “seulement” les joints qui le font délirer gentiment. Vu la motivation à arrêter de fumer,  ce sera difficile de faire sans un petit séjour dans un établissement public de santé. Après contact, ses parents étant à plus d’une heure de là où vit Jérôme, ils préfèrent qu’il soit hospitalisé près de chez eux. Avec l’aide du médecin traitant.

On croise les doigts. J’espère que les symptômes vont régresser à l’arrêt complet du cannabis…

“Sœur de “

poésie et alcoolisme

Dans l’une des cliniques où j’ai eu l’occasion de faire des remplacements, j’ai suivi un temps une “sœur de”.

On a l’habitude de parler des “fils de”, mais on oublie souvent les “frères de” et les “sœurs de”. La lumière qui auréole certains peut avoir un revers de la médaille  non négligeable pour les autres.

Hélène était la sœur d’une star de la chanson, adulée par un public multigénérationnel car elle avait globalement su s’entourer des bonnes personnes aux bons moments.

La poésie

Oui, mais Hélène n’avait pas eu cette chance ou ce talent. C’était une littéraire, une érudite, citant mille poètes dont Baudelaire, Rimbaud ou Verlaine pendant les consultations (les seuls noms que j’ai retenus, dans mon illettrisme). Elle avait écrit plusieurs recueils de poésie elle-même, mais s’était trompée de siècle.

On ne se nourrit plus avec de la poésie seule, et les artistes des siècles passés, encensés à notre époque, ne vivaient déjà pas souvent de leur art. Elle m’avait prêtée l’un d’eux et malgré mon peu de sensibilité pour cet art, je trouvais son style agréable (bien que préférant celui de sa sœur!)

La poésie sans la musique n’est plus au goût du jour et pour retenir un texte, il est plus aisé d’y associer une mélodie.

L’alcool

Les fins de mois étaient donc difficiles. Les débuts de mois aussi. Alors elle tapait chez sa sœur pour vivre. Et cela lui donnait une certaine amertume. Goût qu’elle retrouvait dans la bière, qu’elle buvait par litres quotidiennement, pour oublier  le fossé qui la séparait de sa sœur en terme de réussite sociale, professionnelle et financière. Elle n’avait pas d’amis, ne travaillait pas et ne gagnait rien. Elle enchaînait juste les hospitalisations de dix à quinze jours pour sevrage entre deux noyades alcooliques où elle diluait son existence éthérée.

Quinze jours de conscience. Un mois et demi de brume. Dix jours de conscience. Un mois de brume. Le cycle se répétait depuis des années sans qu’une solution pérenne n’émerge.

Les traitements

Elle avait tenté les traitements antabuses (Disulfiram, qui ne peut être pris en même temps que l’on boit de l’alcool sous peine d’être très malade) et avait vomit ses tripes car n’était pas en mesure d’intégrer le “zéro alcool”.

Elle essayait au moment où je la voyais le Baclofène, un médicament à l’origine destiné à traiter les problèmes de spasticité dans les pathologies neurologiques en favorisant une relaxation musculaire.

Le Dernier Verre

C’est en transposant des études sur des rats sur lui-même qu’Olivier Ameisen, un cardiologue souffrant d’une sévère addiction à l’alcool a essayé cette molécule à forte doses là où elle n’est dispensée qu’en petites quantités pour son effet anti spasmes. Il s’est fait ensuite un devoir de faire reconnaître ces propriétés anticraving (qui empêchent ou diminuent l’envie de consommer) au grand public en écrivant “le dernier verre”, publié en 2008 avec un certain succès. Cela occasionna de longs débats, des études qui débutaient au moment où je voyais Hélène et récemment une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) en mars 2014.

Les problèmes de santé physique commençaient. Son foie et son pancréas n’aimaient pas, son cerveau devenait moins performant. L’association avec son tabagisme laissait penser qu’un cancer des voies aériennes supérieures pourrait prochainement s’installer. Devant ce parcours chaotique, elle attendait donc beaucoup du baclofène qui était mis sur un piédestal dans “le dernier verre”.

Elle disait:

  • C’est ma dernière chance, je le sais.

Je ne l’ai vue que pendant ce remplacement. Qui sait ce qu’elle est devenue…